Ed Denoël Présence Du Futur
Comme je l'avais déjà annoncé ici, je me lance cette année dans un défi personnel de relecture. Et pour commencer j'ai décidé de relire le cycle de Fondation d'Isaac Asimov, un des grands classiques de la SF. J'avais lu la trilogie initiale il y a plus de dix ans et j'avais beaucoup aimé trouvant la lecture aisée et agréable tout en étant passionnante. Qu'en est-il aujourd'hui ?
C'est toujours avec fébrilité et enthousiasme (alors que je connaissais quand même l'histoire et comment elle se finissait) que j'ai tourné les pages en entrant de nouveau dans le futur lointain guidé par une science bien mystérieuse : la psychohistoire.
FONDATION : 251 pages/ Trad : Jean Rosenthal
Dans un futur très lointain, l'humanité aura migré dans l'espace et un empire galactique gouvernera les vingt cinq millions de planètes depuis Trantor, un monde entièrement recouvert de bâtiments d'acier où vivent quarante milliards d'habitants. Mais l'Empire présente des signes de déclin et sa chute est imminente entraînant une période de chaos et de désastres de près de trente milles ans. Cela a été calculé par le psychohistorien Hari Seldon. La psychohistoire est une science qui mêlant psychologie des masses et mathématiques permet de prévoir ce que sera l'avenir et de déterminer les devenir des groupes humains. Hari Seldon a cependant un plan, qui permettrait de réduire la période de chaos après la chute de l'empire jusqu'à l'émergence d'un nouvel empire. Son plan prévoit la création de deux Fondations, chacune située à une extrémité de la galaxie. Quand le reste de la civilisation se sera effondrer, les hommes et les femmes des deux Fondation seront à la base de la création du second Empire.
On avance donc de siècle en siècle, dans cette histoire du futur, et chaque épisode met en avant une période de crises baptisées : crises Seldon, prévues par le grand psychohistorien décédé depuis des années et qui devraient êtres résolues par les gens de la Fondation établie sur la planète Terminus. C'est ainsi que ce petit monde, sans puissance militaire, isolé, sans allié puissant, objet de convoitise de toute part, parviendra à garder son indépendance, fera et défera les empires et les royaumes, sera à l'origine d'une nouvelle religion et deviendra une grande puissance économique et scientifique. Chaque histoire est indépendante mais fait partie d'un tout et les résolutions des crises que traversent la Fondation sont souvent très ingénieuses de ruse, d'intelligence, de manipulations et passent rarement par la solution des armes et de la destruction massive. Bien au contraire car c'est bien connu La violence est le dernier refuge de l'incompétence. Cette célébrissime formule que tout lecteur de Fondation a retenu et affiché quelque part dans sa mémoire, vient d'un des personnages emblématique du cycle réputé pour son sens de la formule. C'est d'ailleurs également de lui que vient cette autre phrase : Que tes principes de morale ne t'empêchent pas de faire ce qui est juste ce qui sera mis en application par un membre d'une toute nouvelle organisation, celle des Marchands et qui sauvera lui aussi le plan Seldon. Bien que ce cycle accuse tout de même son âge, il n'a rien perdu de son attrait et de son pouvoir d'addiction. Certes, les personnages féminins sont inexistants du moins dans ce premier tome ou bien anecdotique, les personnages tout courts sont rarement fouillés d'un point de vue psychologique, mais curieusement, le récit fonctionne et reste passionnant par l'ingéniosité dans la résolution des intrigues, que l'on voit rarement venir avant la fin des épisodes. Asimov a été également auteur de nouvelles policières où il fallait résoudre des énigmes pour démêler une affaire et un peu de cela transparaît dans ce premier tome. Cela s'estompera un tout petit peu dans les volumes suivants.
FONDATION ET EMPIRE : 270 pages/ trad : Jean Rosenthal
La Fondation est maintenant fermement établie dans la périphérie de l'Empire, elle dispose d'avancées technologiques et scientifiques très poussées, d'une puissance économique très efficace et d'une stabilité politique plutôt rassurante dans cette période de troubles qui commencent à déstabiliser ce qui reste de l'Empire pas encore tout à fait mort certes mais qui perd de son pouvoir et de son influence. C'est alors qu'un général ambitieux rêvant de conquête décide de s'attaquer aux mondes de la Fondation au nom de l'Empereur.
Jusqu'à présent, les récits du cycle étaient plutôt indépendants les uns des autres, mais à partir de ce deuxième tome, apparaît une sorte d'unité dans l'histoire racontée par l'auteur. Car un personnage énigmatique fait son apparition et va bouleverser l'avenir prévue par Seldon. Car il est en quelque sorte un accident, et la psychohistoire ne peut pas émettre de prédiction sur les individus. Il se fait appeler le Mulet et deviendra un grand conquérant, un puissant dictateur et une menace sérieuse pour la Fondation. Le Mulet est Le Personnage du cycle. Il est à la foi étrange, repoussant et fascinant. C'est un mutant doté de la capacité de remodeler les émotions humaines en créant artificiellement dans l'esprit d'un individu une loyauté et une confiance inconditionnelle envers sa personne d'où sa réussite dans ses conquêtes et la création de son empire. Il pourrait être haïssable si ce personnage ne vivait pas dans une grande solitude et dans le sentiment qu'il ne sera jamais aimé et admis au sein de la communauté humaine du fait de sa grotesque apparence physique et de son pouvoir psychique si terrifiant. Et ce côté si émouvant du Mulet suscite plus de compassion que de réelle aversion de la part des personnages qui s'opposent à sa dictature et de la part du lecteur. Dans ce second volet, on se sent soudain plus concerné par les personnages que par les sociétés dans lesquelles ils évoluent. Jusqu'au bout, on retient son souffle dans l'attente de savoir si les héros vont enfin trouver où se cache la Seconde Fondation avant Le Mulet bien décidé lui à la détruire pour pouvoir régner sans crainte sur son Empire. C'est une course contre la montre et l'auteur maintien le suspens jusqu'aux dernières pages.
SECONDE FONDATION : 271 pages/ Trad : Pierre Billon
Le Mulet a parfaitement réussi son plan de conquête mais il est obsédé par l'idée qu'il lui faut débusquer La Seconde Fondation qui a toujours été cachée contrairement à la première Fondation qui maintenant fait partie de son Empire. Tant qu'il n'aura pas détruit ou asservi celle-ci, il ne se sentira pas en sécurité. Car la Seconde Fondation est axée sur la psychologie et dispose probablement de gens aux pouvoirs mentaux similaires aux siens. Mais cette obsession pourrait lui coûter cher.
Tout le monde l'a oublié dans ce nouvel univers, où l'Empire n'est plus, où Trantor est en train de devenir une planète agricole, où la première Fondation est maintenant au centre d'un nouvel essor de la civilisation, mais il y a bien eu à, l'origine deux Fondations. Et si la première est bien visible et est plus tournée vers les sciences physiques, la seconde a toujours agi dans l'ombre, préférant influencer les évènements sans jamais apparaître au grand jour. Il en aurait toujours été ainsi si elle n'avait été obligée de sortir de l'ombre pour affronter Le Mulet. Mais voilà, le plan Seldon pourrait bien être compromis suite à cette intervention car les gens de la première Fondation ne devaient pas se douter qu'ils étaient en fait dirigés inconsciemment par les dirigeants de la Seconde Fondation. Et si celle-ci allait se servir de ses pouvoirs sur l'esprit humain afin de régner sur le futur Empire et surtout sur les individus en ne leur laissant aucune liberté de choix et de pensée. Voilà comment un petit nombre de savants décident de partir à sa recherche. Ici, enfin un personnage féminin fait son apparition, Arcadia Darrell, adolescente rebelle, à l'intelligence précoce, rêvant d'aventures, et prête à tout pour faire enrager son papa qui fait partie de la conspiration anti Seconde Fondation. Cette chipie au grand coeur va se retrouver au centre de toute une série d'évènements dont il vaut mieux ne rien dévoiler pour ne pas gâcher la surprise de la lecture. La fin de ce troisième volet amène une conclusion satisfaisante du cycle bien que l'auteur sous la pression de ses éditeurs se soit vu obligé d'adjoindre d'autres tomes à sa trilogie initiale un peu plus de trente ans après. La solution de l'énigme est surprenante et fonctionne très bien. Un cycle qui certes a un peu vieilli dans le style et la profondeur psychologique des personnages, mais est passionnant dans la description de cette future civilisation galactique, et l'ingéniosité des intrigues construites par l'auteur. Facile d'accès, sans lourdeur dans les explications scientifiques, on se laisse vite prendre par les récits et il devient difficile de lâcher la lecture avant la fin.