TERREMER d'Ursula K. LEGUIN
Ed Pocket
« Ceci est une pierre , tolk en Vrai Langage », déclara t-il en
tournant vers Ged un regard bienveillant. « Une parcelle de la pierre dont est faite l'Ile de Roke, une infime parcelle de la terre ferme sur laquelle vivent les hommes. Cette pierre est
elle-même. Elle est une partie du monde. Par l'Illusion-Changement, tu peux lui donner l'apparence d'un diamant- d'une fleur, d'une mouche, d'un oeil ou d'une flamme..; » (...) « Mais
ce n'est apparence. L'illusion trompe les sens du témoin : elle lui fait voir, entendre et sentir que l'objet s'est transformé. Mais elle ne transforme pas l'objet. Pour changer cette pierre en
joyau, il faut que tu changes son vrai nom. Et faire cela mon fils, même s'il s'agit d'une parcelle aussi dérisoire du monde, c'est changer le monde » (extrait)
Terremer est un ensemble d'îles plus ou moins grande, réparties sur un immense océan. Pas de continent. On y
croise des dragons, d'anciens pouvoirs pas toujours bienveillants. La magie est présente et la plus grande école de magie se situe sur l'île de Roke où sont formés les mages et sorciers. Les
femmes n'ont pas accès à ces études mais certaines d'entre elles détiennent de grands pouvoirs. La magie est axée sur le vrai nom des choses et des êtres, c'est pour cette raison que les gens
gardent pour eux et quelques proches leur vrai nom et ont un nom usuel. Connaître le vrai nom d'une personne c'est avoir tout pouvoir sur elle d'où le fait que pour un mage, il est important de
bien cacher son nom.
J'ai tout de suite été séduite par le monde de Terremer qui s'éloigne radicalement de ce que l'on peut connaître
en fantasy. Ici, on ne ressent pas l'ambiance pseudo médiévale, la féodalité, la séparation entre les trois fonctions (prêtres, guerriers, paysans). Les guerres sont sporadiques et ne semblent
pas être courantes dans ce monde là, on se déplace plus en bateau et à pied qu'à cheval, et la magie fait partie intégrante de la vie courante sans être agressive. C'est un endroit que l'on
visiterait volontiers et où il ferait peut-être bon d'y passer ses vacances.
Mais venons-en au principal : Le sorcier de Terremer (la jeunesse), Les tombeaux d'Atuan (la maturité), L'ultime
rivage (la vieillesse), racontent en trois étapes, la vie d'un des plus grands Archimage de l'Archipel. Chaque histoire est indépendante et a un début, un milieu, une fin.
Au commencement :
LE SORCIER DE TERREMER/220p
Trad : Phulippe R; Hupp/Michel Lee Landa
« Maints Gontois, en effet, ont quitté les bourgs de ses hautes vallées et,
les ports de ses sombres baies resserrées pour servir les Seigneurs de l'Archipel en leurs villes, comme mages ou sorciers ; ou bien en quête d'aventure s'en sont allés d'île en île produire leur
magie d'un bout à l'autre de Terremer.
Certains disent que parmi eux, le plus grand et sans nul doute le plus intrépide voyageur, était un homme du nom d'Epervier, qui en son époque était devenu à la fois maître des dragons et
Archimage. La geste de Ged et plus d'un autre chant content sa vie ; mais l'histoire que voici remonte aux jours où il ignorait la gloire, avant que les chants fusses
créés. »(extrait)
Epervier est un jeune garçon qui garde les chèvres de sa tante un peu sorcière qui lui enseigne quelques uns
de ses tours. C'est grâce à l'un d'eux qu'il sauve son village d'une bande de pillards kargades et retient l'attention d'Ogion le silencieux, un mage qui l'envoie étudier à Roke. Et c'est au
cours de ses études que par orgueil il va libérer une ombre maléfique qu'il devra affronter.
Raconté sous la forme d'une légende, le récit pose les bases de cet étrange monde, avec ses peuples, ses coutumes,
ses mythes, sa magie des noms si singulière. Pas de grande bataille, de duels de magie à coup de boules de feu gigantesques et autres super pouvoirs dans cette histoire. Si vous voulez de
l'épique, de l'action à cent à l'heure, vous allez être déçu. Terremer vaut davantage pour l'exotisme de sa culture, les principes d'équilibre de la magie et les mystères que l'on ressent sur
certaines anciennes puissances, certains peuples aussi. On y trouve certes des dragons mais ce sont des créatures magiques qui connaissaient la parole bien avant les humains et qui parlent
toujours dans le Vrai Langage celui qui a façonné le monde. Ils n'en sont pas moins dangereux. Ce premier tome se voit plus comme une quête initiatique mais une quête plus intérieure pour
Epervier.
Le temps des exploits
LES TOMBEAUX D'ATUAN/158p
Trad : Françoise Maillet/Michel Lee Landa
« Que les innommables voient l'enfant qui leur est donnée, celle là même
qui soit jamais née sans nom. Qu'ils acceptent en offrande sa vie et les années de sa vie jusqu'à sa mort qui leur appartient aussi. Que cette offrande leur soit agréable. Qu'elle soit dévorée
! » (extrait)
Caché dans le labyrinthe des tombeaux d'Atuan, un fragment de l'anneau d'Erreth-Akbe, anneau qui porte la rune
de Paix a été l'objet de bien des tentatives pour le récupérer de la part des autres peuples de Terremer, mais Arha la prêtresse des innommables veille sur ces tombeaux.
Changement de point de vue dans ce deuxième volet. C'est par le regard de Ténar devenue Arha la dévorée, prêtresse
des innommables que le plus grand exploit d'Epervier est raconté. Parti seul en terre Kargade récupérer un anneau qui contient une rune de grand pouvoir qui garantissait la paix pour toutes les
îles de l'Archipel. Le peuple kargade se différencie des autres peuples de Terremer d'abord physiquement puisqu'ils ont la peau blanche contrairement aux autres ethnies qui oscillent entre le
cuivré (Epervier en bon gontois, a la peau cuivré et les cheveux gris, difficile de passer inaperçu dans une société à la peau claire). et le noir avec entre ces deux couleurs toute une gamme de
peaux brunes. Ils n'adorent pas les mêmes divinités. Ils sont volontiers plus conquérants et guerriers et sont hostiles à la magie et donc aux mages et sorciers. C'est surtout le personnage de
Ténar qui est intéressant à suivre dans son évolution et son refus de renoncer à sa personnalité profonde pour endosser celle d'une prêtresse censée immortelle mais indifférente au sort des
autres et à la vie.
Entre être et agir
L'ULTIME RIVAGE/219p
Trad : Françoise Maillet/Michel Lee Landa
« Même si je venais à oublier ou regretter tout ce que j'ai accompli, je me
rappellerai avoir vu une fois, les dragons haut dans le vent au soleil couchant, au dessus des îles occidentales ; et je serai content » (extrait)
Une brèche a été ouverte par laquelle la magie s'engouffre pour ne plus revenir. La rune de paix est de retour
mais où est le roi qui garantira cette paix ? Un vieil homme Epervier l'Archimage de Roke et le jeune prince des Enlades Arren partent pour un long voyage aux origines de ce mal
étrange.
Epervier a bien vieilli et il sent qu'il est temps pour lui de renoncer à agir pour enfin être. Mais une dernière
mission doit être accomplie avant le retrait, mettre un terme au déséquilibre dû à une magie néfaste. Cette fois la quête initiatique c'est le jeune Arren qui la poursuit guidé par la sagesse
d'un vieux mage. On y fait la connaissance des Enfants de la Mer, ces peuples qui vivent toute leur existence sur l'eau des océans, et on rencontre les dragons, des créatures fascinantes et
impressionnantes. Ici il est question d'une prophétie et en fantasy les prophéties c'est un sujet bateau, sauf que bien entendu, il ne s'agit pas de sauver le monde l'épée à la main mieux vaut le
sauver en affrontant ses démons intérieurs et son moi égoïste et partir vers un voyage plus spirituel dans l'autre monde.
Le cycle de Terremer vous transporte dans un autre monde, aux modes de vie très différents de ce que l'on a
l'habitude de rencontrer dans ce genre et vaut parfaitement le détour. Je sais qu'il existe une suite à ces trois tomes mais j'ai toujours estimé qu'ils se suffisaient largement à eux
mêmes.